Avant que la crise sanitaire du Covid19 ne frappe le monde entier et bouleverse les organisations et les pratiques, le télétravail en France était, selon une étude réalisée par Malakoff Humanis en 2019, pratiqué par 29% des salariés de manière ponctuelle, et seulement 7% de manière contractuelle.

Aujourd’hui, ce sont 39% des employés des entreprises de plus de 10 salariés en situation de télétravail en France, soit 5 millions de salariés, permettant ainsi à des milliers d’entreprises de continuer à travailler (Étude de Malakoff Humanis, 2020).

Plus qu’une augmentation du nombre de télétravailleurs, la crise sanitaire impose un changement complet des conditions de télétravail.

  • En effet, en 2019 le télétravail était, d’une part, réalisé de manière ponctuelle, à raison d’un à deux jours par semaine.
  • D’autre part, les télétravailleurs étaient libres de travailler depuis le lieu qui leur convenait le plus. Ainsi, si la majorité décidait de travailler depuis chez eux (92%), d’autres préféraient s’installer dans un espace partagé ou encore dans un bureau satellite.
  • Enfin, le télétravail constituait une chance, une opportunité pour les personnes en bénéficiant et était considéré comme un « plus », permettant bien souvent d’harmoniser sa vie professionnelle et sa vie personnelle, ou encore de réduire son stress et sa fatigue.
  • Ainsi, le télétravail était une pratique appréciée, avec une note de satisfaction s’élevant à 8.5/10.

On remarque également que, bien qu’étant majoritairement conquis par le télétravail, certaines appréhensions et points de vigilance émergeaient chez les salariés et les dirigeants. Ces appréhensions étaient notamment fondées sur la santé (mentale et physique), l’équilibre vie de famille-vie professionnelle, les problèmes techniques, mais aussi l’isolement. On note également que ces appréhensions sont les raisons pour lesquels les télétravailleurs estiment que le télétravail est satisfaisant et constitue un bénéfice, à condition qu’il soit occasionnel.

Qu’en est-il aujourd’hui, alors que le contexte particulier de la crise sanitaire semble réunir tous les aspects que les télétravailleurs et les dirigeants considéraient, en 2019, comme des points de vigilance ?

Depuis le 17 mars dernier, le télétravail a été imposé dans l’urgence, en temps plein et sur l’ensemble de la semaine. Il a été généralisé à l’ensemble des équipes et est accompli en confinement avec les autres membres de la famille ou de l’entourage.

Le contexte particulier du confinement oblige à repenser l’organisation familiale, et offre une expérience du télétravail particulière qui n’est pas forcément représentative du télétravail en contexte normal. Ainsi, 28% des familles témoignent de la création de tension familiale.

Concernant la santé psychologique, 30% des sondés pensent qu’elle s’est dégradée. Ce chiffre élevé doit, encore une fois, être placé dans son contexte et ne reflète pas la réalité d’une expérience de télétravail ordinaire, où il serait alors possible de sortir après sa journée de travail, où les enfants seraient à l’école etc… 80% des français indiquent néanmoins avoir bien vécu le confinement.

Malgré des conditions qui, à première vue, ne semblent pas propice à une expérience optimale de télétravail (confinement, promiscuité avec les membres du ménage…), 73% des télétravailleurs actuels souhaitent poursuivre, de manière régulière ou ponctuelle, le télétravail. Plus précisément, 58% des salariés pour qui le télétravail était une première souhaitent continuer.

Les salariés semblent donc globalement satisfaits de leur expérience de télétravail qui, pour 38% d’entre eux, leur a permis de développer une plus grande autonomie. Les nouveaux télétravailleurs accordent d’ailleurs une note de satisfaction qui s’élève à 7,6/10.

Le contexte actuel a également permis à certaines entreprises, initialement opposées au télétravail, d’envisager de nouveaux modes d’organisation. En effet, la crainte d’un manque de performance en raison du télétravail s’est avérée infondé, 24% des télétravailleurs estiment d’ailleurs avoir vu leur productivité augmenter grâce au télétravail.

Le développement du télétravail semble donc être une voie envisageable pour l’après-crise, mais il est important que ce dernier reste une liberté, selon Julia De Funès, docteur en philosophie et auteur de Socrate au pays des process  (Flammarion, 2017) et de La comédie (in)humaine (Édition de l’observatoire 2018). Effectivement, si le télétravail est apprécié et favorise la performance, c’est avant tout parce qu’il permet de lever certaines contraintes et s’inscrit dans une organisation agile et souple ; le télétravailleur est donc plus libre. Si le télétravail s’accompagne d’un grand nombre de contraintes, les bénéfices risquent de disparaitre. En outre, faire perdurer le lien social et empêcher l’isolement, en continuant à se rendre au bureau est également nécessaire.

Le développement du télétravail, doit donc être pensé de manière à favoriser la performance et la qualité de vie des salariés. Un des enjeux principaux réside certainement dans la gestion managériale des équipes, puisqu’en 2019, seulement 36% des managers ont été formés à l’accompagnement de leurs collaborateurs dans la pratique du télétravail alors que, pour 85% d’entre eux, le télétravail implique une gestion repensée de l’équipe.

Cette crise sanitaire a donc, à de nombreux égards, été un frein et un obstacle, mais aussi un tremplin en faveur du développement de nouvelles pratiques, de nouvelles organisations comme le télétravail.

 Mathilde Phily, consultante

Pierre MAURIN, Partner ALHAMBRA INTERNATIONAL