L’implémentation d’une démarche d’intelligence artificielle (IA) aura des impacts importants sur la transformation RH des organisations. On peut même évoquer un changement de paradigme dans le recrutement, la gestion des talents et la formation, trois piliers de la fonction RH aux côtés de la paye.

Les méthodes d’IA sont une nouvelle source d’opportunité et permettent de rationaliser les choix de recrutement et de prédire la performance RH, d’autant plus si elles s’accompagnent d’une dimension humaine et d’une prise de conscience des limites technologiques.

Les principaux défis que l’IA doit résoudre pour les entreprises qui recrutent sont d’élargir les résultats de recherche de candidats et de gagner du temps en réduisant les tâches répétitives des recruteurs. Etant donné que de nombreuses tâches sont encore effectuées manuellement, le potentiel de l’IA réside dans l’optimisation des process de recrutement ainsi qu’une meilleure gestion des talents. Dans cette tribune, nous nous concentrons sur l’impact de l’IA dans le recrutement.

Le recrutement démarre tout d’abord par une recherche de candidats. Quel est celui/celle qui correspond le mieux au poste ?

C’est la question clé que se posent les employeurs recruteurs au démarrage de leur mission. Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, les équipes RH améliorent leur efficacité en élargissant le vivier des candidats, en accélérant la pré sélection des CV, en stimulant l’engagement des candidats et bien plus encore. L’IA permet aussi de modéliser, pour un poste précis, des profils types de candidats et de les comparer à un pool de candidats internes ou externes ; ce qui permet d’accélérer les prises de décision et d’optimiser le process de recrutement. La dimension sociale de cette innovation RH est de rationaliser le marché du travail en facilitant le rapprochement entre l’offre et la demande d’emploi.

Diverses solutions à disposition des recruteurs

Actuellement sur le marché, nous trouvons diverses solutions allant des plus pragmatiques avec une réelle utilité, notamment dans l’automatisation des premières étapes du processus de recrutement aux plus avancées telles que l’évaluation de candidats sur la base d’entretiens vidéo.

Selon une étude de Deloitte Insights (2019), certaines des fonctionnalités offertes par les solutions d’IA incluent un logiciel qui reconnait les visages et le genre de la personne, écoute les voix, identifie l’humeur et décode les entretiens vidéo en évaluant le niveau d’éducation, la véracité des propos et les capacités cognitives. Ces solutions analytiques aident à sélectionner des candidats, à identifier des parcours de mobilité interne et accompagnent les managers dans l’amélioration de leurs compétences en leadership.

Il est également possible d’utiliser l’IA pour créer des chatbots qui interagissent avec les candidats sous la forme d’entretiens structurés (questionnaires, test psychométriques…), pour effectuer une présélection sur la base d’entretiens vidéo et aussi pour mieux comprendre le niveau d’engagement des candidats. Tous les principaux fournisseurs de logiciels de gestion du capital humain intègrent des algorithmes, d’où la nécessité pour les organisations de maintenir des données exactes et d’étudier attentivement ces outils pour en vérifier la fiabilité et les biais potentiels.

Un marché en plein boum

Alors que de plus en plus de sociétés s’empressent d’adopter ces technologies, le marché des solutions d’intelligence artificielle est en forte croissance. Des entreprises comme Microsoft, Facebook, L’Oréal et IBM investissent énormément dans cet univers. Par ailleurs, les startups HR-tech positionnés sur ce créneau sont nombreuses sur le marché français et à international. Sur la base de nos recherches, certaines startups technologiques ont de réels points forts. C’est le cas de Riminder avec sa solution (par ex. Cvbot) qui permet de recueillir les données des candidats à partir de diverses plateformes sociales et qui rend le sourcing plus diversifié et aussi centralisé en termes de profils. Après la collecte des données, l’algorithme est capable de filtrer et d’identifier les meilleurs candidats sur les offres proposées.

Un autre exemple est la startup Chance qu’on pourrait assimiler à un cabinet de recrutement semi-virtuel, qui utilise l’IA pour identifier des talents et qui les accompagne avec un mentor (assistance humaine) et un programme de e-learning pour réduire les décalages entre les postes proposés et les qualifications des candidats. Goshaba est également une start-up française proposant une sélection “intelligente” via des tests cognitifs avec une représentation visuelle des candidats dans le but de trouver le meilleur candidat en interne ou en externe.

Autre exemple, celui de Vera, le robot recruteur de la société russe Stafory utilisé par des sociétés à forte notoriété. Vera organise des entretiens téléphoniques et des entretiens Skype avec les candidats, analyse leurs réponses et leurs émotions, puis procède à une présélection. Ces services de l’agent virtuel Vera ont du succès dans des sociétés comme Ikea et Pepsico, en particulier pour les postes à fort volume, et ont contribué à réduire le coût du processus de recrutement. Cependant, pour d’autres entreprises, le service n’a pas fonctionné comme souhaité, car il a plutôt tendance à remplacer le contact humain, plutôt que de l’amplifier.

L’innovation se poursuit avec la start-up néerlandaise Seedlink, qui a développé une technologie d’intelligence artificielle qui peut prédire le comportement des gens, basée sur l’utilisation de leur langage naturel. C’est une technologie d’évaluation assez unique basée sur la linguistique computationnelle. En construisant des réseaux neuronaux artificiels, la solution est en mesure d’acquérir des connaissances approfondies sur le subconscient de quelqu’un, dans le but de trouver le meilleur « fit » professionnel et culturel entre les candidats et les sociétés.

Une utilisation à la marge… pour l’instant

En général de telles solutions offrent du potentiel sur des postes à fort volume de candidats alors que sur des postes plus stratégiques ou nécessitant une expertise très spécifique, les pépites sont encore dans les mains des experts humains…. tout au long du process.

Outre le gain de temps, l’IA nous aide à estimer les besoins de formation des candidats, mais il est souvent plus difficile d’évaluer ce qui est important pour chaque employeur, en l’occurrence les « soft skills » du candidat. ». Selon SiecleDigital, pour 59% des entreprises, “l’intégration automatisée des candidatures et le suivi des réponses” sont les principales motivations dans la digitalisation du recrutement.

Un chiffre qui encore plus élevé pour les sociétés de plus de 250 employés. Career Builder indique que 69% des RH pensent que l’automatisation des tâches facilite la standardisation des fichiers et améliore l’efficacité et la rapidité du sourcing ; ce qui donne aux employeurs plus de temps pour rencontrer les candidats qui répondront aux enjeux de compétitivité et de performance de l’entreprise. D’après une étude menée par Undercover Recruiter (2019), près de 80% des recruteurs pensent que l’utilisation de l’IA va améliorer la productivité et la performance des processus RH, mais pour l’instant seulement 14% des entreprises l’utilisent, ce qui laisse une marge de progression importante dans les années à venir.

Toutefois, les départements RH demeureront toujours centrés sur l’humain, en combinant l’automatisation et contact humain dans une démarche inclusive. Cette combinaison des tâches encourage les recruteurs et les responsables RH à se concentrer sur les missions stratégiques comme la découverte des talents clés, des entretiens plus personnalisés pour renforcer l’expérience candidat et la mise en place des programmes de formation et de mentorat pour fidéliser et satisfaire leurs candidats.

Pierre MAURIN Partner ALHAMBRA International

Sara MIHAJLOSKA Junior Consultant ALHAMBRA International